« Non l'argot ne se fait pas avec un glossaire, mais avec des images nées de la haine, c'est la haine qui fait l'argot. L'argot est fait pour exprimer les sentiments vrais de la misère. Lisez L'Humanité, vous n'y verrez que le charabia d'une doctrine. L'argot est fait pour permettre à l'ouvrier de dire à son patron qu'il déteste : tu vis bien et moi mal, tu m'exploites et roules dans une grosse voiture, je vais te crever.
Mais l'argot d'aujourd'hui n'est plus sincère, il ne résiste pas dans le cabinet du juge d'instruction.
J'attends toujours le truand qui fera fuir le juge avec son argot. Dans les prisons d'aujourd'hui, on file doux :
Oui Monsieur, bien Monsieur. On y est bien sage et on n'y parle pas l'argot, j'en ai fait l'expérience. Le temps est loin où Mandrin risquait chaque jour la Grève.
Il n'y a plus aujourd'hui que l'argot des bars à l'usage des demi-sels pour épater la midinette, et l'argot prononcé avec l'accent anglais à l'usage du XVIe »
Louis-Ferdinand Céline - L'argot est né de la haine
« Longtemps je me suis senti seul. Ou plutôt : isolé. La solitude, chacun l’éprouve pour peu qu’il aime ou qu’il désire aimer, pour peu qu’il existe. Mon isolement me paraissait plus injuste et plus douloureux, pareil à celui des sourds, des étrangers. J’étais en exil dans mon époque. Il me semblait que personne de ma génération ne partageait mes colères ni mes désirs. Et les mots que j’aimais le mieux, que j’employais le plus souvent - volonté, ou tendresse, ou honneur - me fermaient les cœurs que je voulais gagner. Des jeunes gens raisonnables me répondaient : lucidité, lucidité, lucidité. La lucidité est une valeur dangereuse si l’on s’en contente ; elle nous rassure trop facilement ; nous croyons racheter nos faiblesses par la conscience que nous en avons. Parfois ils ajoutaient : objectivité. Et je me souviens de ce mot de Nietzsche : “objectivité : manque de personnalité, manque de volonté, incapacité d’aimer”. »
Jean-René Huguenin - Une Autre Jeunesse (1965)
30 août 1951 : Le temps n'existe pas. C'est un phénomène de perspective. On a donc toujours le temps. L'impatience est une sottise. La jeunesse a du mal de lutter contre elle. Ensuite «moins on a de temps», plus on éprouve le sentiment d'en avoir. Picasso avait raison. Un homme met très longtemps à devenir jeune. Je me sens plus jeune que lorsque j'étais jeune. Plus libre, moins avide, moins pressé.
Jean Cocteau - Le Passé défini (1951-1960)
Jean Cocteau et Picasso par Douglas Duncan(1950)
« Regarde-les donc bien, ces apatrides, toi qui as la chance de savoir où sont ta maison et ton pays, toi qui à ton retour de voyage trouves ta chambre et ton lit prêts, qui as autour de toi les livres que tu aimes et les ustensiles auxquels tu es habitué. Regarde-les bien, ces déracinés, toi qui as la chance de savoir de quoi tu vis et pour qui, afin de comprendre avec humilité à quel point le hasard t'a favorisé par rapport aux autres. Regarde-les bien, ces hommes entassés à l'arrière du bateau et va vers eux, parle-leur, car cette simple démarche, aller vers eux, est déjà une consolation ; et tandis que tu leur adresses la parole dans leur langue, ils aspirent inconsciemment une bouffée de l'air de leur pays natal et leurs yeux s'éclairent et deviennent éloquents. »
Stefan ZWEIG — Voyages (1902-1939)
Elle s’éveille avec le soleil
Et l’ombre joue sur ses pétales,
Elle attend la petite abeille
Offerte comme une vestale
Au ciel bleu de ce nouveau jour,
Encore tremblante de rosée
Elle danse sa valse d’amour
Au rythme d’un zéphyr léger .
Regardez la,comme elle est belle
Elle ne se fait aucun souci,
Elle sait que l’on prendra soin d’elle
Qu’elle renaîtra à l’infini
Elle a confiance dans le temps,
Dans les heures et les saisons,
Il y aura de nouveaux printemps,
Été,automne passeront .
Photo Monique Rosenblatt
L'amour n'est pas capable de voir les mauvais aspects d'une personne;
La haine n'est pas capable de voir les bons aspects .
Giovanni Papini
Conjuguez,enfants de la terre
Au présent et puis au futur,
Conjuguez l’amour ce mystère
À tous les temps,les temps sont durs,
Le passé simple est imparfait,
Apprenez au conditionnel,
Rêvez d’un monde enfin plus vrai
Gardez votre regard au ciel.
N’imposez pas l’impératif,
Il faut y aller avec douceur,
Certains voudront sortir leurs griffes
Mais laissez parler votre cœur.
Conjuguez,enfants de la terre
Donnez l’exemple à vos aînés,
L’aigle desserrera ses serres,
Devant vous il est désarmé.
« Si mes écritures ne me paraissent pas de nouveau trop insuffisantes, je sais que je les publierai un jour. Mais cela aussi, cela surtout, je le voudrais oublier. Songer au lecteur entraîne à trop de ruses inconscientes, et à des timidités qui affaiblissent, et à des hardiesses qui dévoient. Cela incite à telles séductions persuasives qui ne vont pas, peut-être, sans dangereuses concessions. Cela soulève d’autoritaires démonstrations qui vous troublent vous-même et vous en imposent. Il y a des vérités que je connais par intuition. Je n’ai aucun moyen de conduire un autre homme au lieu d’où se voit leur resplendissement. Si je songe à cet autre, je cacherai, lâche, le trésor dont l’étranger ne pourra soupçonner le prix. Ou bien, pour empêcher qu’on rie de mes richesses, pour les rendre remarquables et acceptables, je les disposerai dans le mensonge d’un ordre logique et superficiel ; je les inonderai de fausses lueurs qui éteindront les véritables lumières. Le lecteur est trop exigeant. Il y a des choses que j’ignore ou qui ne m’intéressent point ; mais lui entend que je les connaisse et que je les dise. Ses réclamations créent en moi un intérêt artificiel ou une fausse science. »
Han Ryner - La Sagesse qui rit . Paris, Éd. du monde moderne, 1928 . Chapitre premier : « L’Art de Vivreet la Science de la Vie. »
« Personne ne peut trouver, après tout, dans les choses, même dans les livres, rien d'autre que ce qu'il sait déjà. Quand l'expérience ne vous a pas ouvert l'oreille à un sujet on reste sourd à ce qui s'en dit. Représentons-nous le cas limite d'un livre parlant d'expériences situées complètement en dehors des possibilités d'une expérience courante ou même rare, d'un livre parlant pour la première fois le langage d'un nouveau pays. On n'entendra exactement rien, et, trompé par l'acoustique, on se figurera que, puisqu'on n'entend rien, c'est qu'il n'y a rien... C'est ce qui arrive à mes lecteurs dans la plupart des cas, c'est ce qui fait l'originalité de mon expérience. Bien des gens se sont figuré m'avoir compris pour s'être arrangé à leur image une - idée de moi qui était souvent à l'opposé de la vérité, en me prenant, par exemple, pour un « idéaliste », et ceux qui n'avaient rien compris me déniaient toute espèce de valeur. »
Nietzsche - Ecce Homo (1888) ; « POURQUOI J'ÉCRIS DE SI BONS LIVRES ».
Couverture de Ecce Homo de 1908 par Henry van de Velde.
« Je me maintiendrai debout, je résisterai aux saisons. Je ne serai pas inhumain : on verra une femme droite entre mes bras, de façon à ce qu’éclate dans l’univers qu’il est quelque chose de réel dans l’homme qui ne sort pas que du ciel, mais aussi de cette terre que Dieu lui a donnée »
Pierre Drieu La Rochelle - L'Homme couvert de femmes (1925)